Ralentir : et si l’été devenait un art de vivre ?
- Marion Bbkr
- 1 juil.
- 3 min de lecture

Il y a des mots qu’on oublie d'employer tant nos journées vont vite. Parmi eux : lenteur, silence, attention, présence.
Et puis vient l’été...
Et avec lui, cette étrange permission : celle de lever le pied, de regarder autour de soi, de respirer plus bas (malgré la chaleur). Les premiers jours de calme m'oppressent tant l'absence d'activités ne m'est pas habituelle mais je finis toujours par m'y glisser avec une certaine délectation.
Quand on travaille dans les livres — que ce soit pour les écrire, les éditer ou les transmettre — on mesure à quel point notre monde va parfois à contretemps du vivant. L’édition a ses urgences, l’enseignement ses calendriers, les lecteurs leurs fuites intérieures. Et pourtant… tout en nous réclame des pauses. Des îlots de lenteur dans l’océan de nos rythmes saccadés.
Ralentir, ce n’est pas fuir. C’est se rapprocher de soi, des autres, du monde. et surtout de ce qu’on avait cessé d’écouter.
Le silence comme outil de soin
Il m’arrive, pendant les ateliers ou les séances de théâtre, d’inviter les participants à fermer les yeux et à “laisser venir à soi” l’émotion, le corps, la voix. Laisser venir, c’est déjà ralentir. C’est apprendre à habiter l’instant.
Dans Si ma voix résonne, je parle souvent de ces silences qui précèdent la parole, de ces respirations qui valent autant qu’un poème. Le texte "Souffle de vie" en est un exemple : "La candeur
Sublimer chaque instant
Occulter l'heure
Rester enfant..."
Et c’est vrai : parfois, ralentir, c’est aussi ne plus avoir besoin de se justifier. Il suffit d'être, juste ça !
Les livres comme refuges de lenteur
L’été est propice à ces lectures qu’on ne lit pas pour progresser, apprendre ou avancer mais pour se détendre. Je pense à ce joli roman : Aux espoirs accomplis de Jéromine Dalmasso, où chaque page semble suspendue dans le temps, chaque émotion déposée avec délicatesse. On assiste à cet été où tout va changer pour les Tosi et les odeurs, les images, les paysages nous bercent :
"La vieille bastide en pierres sèches était plongée dans l'obscurité et le silence. Seuls les cris des oiseaux nocturnes de Provence pénétraient les murs massifs de la maison des Tosi. Les premières nuits printanières étaient arrivées accompagnées de l'odeur musquée, chaude et sensuelle des bourgeons qui éclosent."
Ou encore au roman Ecrire pour personne où Antoine Casanova nous fait sourire à l'évocation de ce voisin si farfelu mais qui ressemble tant à un proche que l'on aime. Et puis on s'arrête, au détour d'une phrase, sur sa poésie magnifique :
"Pipo fou, fuyant et fugace, qui dès lors jamais ne s'en fit. Et pourtant s'en fut."
Et que dire de ce recueil à la fois sombre et lumineux de Manon Guilloteau qui nous révèle les affres de l'amour :
"J'ai le cœur romantique.
De ceux qui s'écorchent aux promesses d'un sourire."
L’été comme école de présence
Je crois que l’été est une saison pédagogique. Il nous apprend à observer ce qui d’ordinaire nous échappe : le rythme de la nature, le cri des cigales, le bruit apaisant de la mer, le visage des enfants à l'ombre d'un olivier. C’est peut-être ce que voulait dire Christian Bobin quand il écrivait :
“L’attention est la prière spontanée de l’âme.”
Alors j’essaie, moi aussi, d’être une promeneuse de l’instant, d’écouter les voix autour de moi sans chercher à répondre, de lire un paragraphe entier sans penser au suivant, de parler plus lentement, comme si chaque mot était un fruit d’été à savourer. Mes proches savent que c'est plus difficile de faire ralentir mon cerveau qui exploite mille idées à la seconde mais j'aime l'été pour sa saveur de calme et de détente qu'il m'apporte malgré mon excès de créativité.
Et vous, comment ralentissez-vous ?
Cet été, je nous souhaite à tous de devenir un peu plus sensible au monde naturel ; de faire des siestes à l'ombre des arbres, livre en main et cœur à découvert ; d’écrire sans attendre d’en faire un projet ; d’oser l’ennui. Et pourquoi pas… de transmettre cette lenteur à nos enfants, nos proches, nos élèves.
Parce qu’en vérité, il n’y a pas de plus belle pédagogie que celle du vivant, que celle de l'instant présent !
Et si vous avez envie de partager votre manière de ralentir, vos lectures d’été ou vos moments de silence, les commentaires vous attendent.
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